Mémoire  de recherche,
Master 2 Société, Aménagement et Gouvernance des Territoires
Institut de Géographie de l’Université de Nantes (IGARUN)
Laboratoire: UMR 6590 ESO-Nantes (Espaces et SOciétés)
Dir. de recherche : F. Madoré, géographe
Sujet: alternatives à l’étalement urbain
Soutenance:   juillet 2015

Article Cahier Nantais n°2015-2

Mots-clés
périurbain, rural, centre-bourg, étalement urbain, densification, urbanisme opérationnel, rénovation urbaine, urbanisme pavillonnaire

Résumé
Cette étude a pour objet l’urbanisme en densification dans le périurbain comme rupture de l’étalement urbain pavillonnaire. Cette recherche fait apparaître que les projets en densification ne portent pas de valeurs idéologiques de lutte contre l’étalement urbain, mais sont plutôt issus d’opportunités foncières. De plus, leur émergence est très limitée par les contraintes opérationnelles et techniques, ainsi que par la sectorisation du marché de l’habitat. Leur mise en œuvre révèle souvent un schéma de micro-ségrégation à l’échelle des bourgs et la frilosité des acteurs de la construction. Les perspectives de développement d’un urbanisme de densification dans les territoires périurbains reposent sur une législation plus ambitieuse, des politiques cohérentes à tous les échelons territoriaux, ainsi que par l’expérimentation d’un urbanisme propre aux enjeux périurbains.

Problématique
L’approche adoptée ici questionne la fabrique du périurbain, afin de « sortir de la périurbanisation comme problème, selon lequel on serait devant une sorte de « sous-ville » malencontreusement produite en périphérie par manque de vigilance collective, et [d’] aller vers la périurbanisation comme projet, contribution à une pensée intégrée de la ville et de ses territoires » (Vanier, 2011, « La périurbanisation comme projet », Métropolitiques [En ligne]). Cette étude s’attache donc à ce contexte de diffusion d’un urbanisme en renouvellement urbain au-delà des communes périphériques des métropoles. Elle cherche à comprendre comment, dans ce contexte périurbain, se fabrique cet urbanisme en rupture avec le modèle dominant de l’étalement urbain pavillonnaire ?

Méthodologie et contexte : une aire d’étude périurbaine intermétropolitaine
L’aire d’étude retenue comme champ d’investigation est située entre les métropoles de Rennes et Nantes, en suivant l’axe de la voie rapide N137. Elle couvre donc un espace périurbain multiple, allant des communes sous forte influence métropolitaine aux communes plus rurales. Cet échantillon de territoire hors des découpages administratifs révèle aussi des attitudes propres à chaque échelon territorial, car il porte sur deux régions, la Bretagne et les Pays-de-la-Loire, deux départements, l’Ille-et-Vilaine et la Loire-Atlantique, 90 communes et sept Schémas de Cohérence Territoriaux (SCOT) (fig. 1). Cinq opérations de logements, réalisées ou en court entre 2005 et 2015, ont été plus particulièrement étudiées en tant que projets en rupture à l’étalement urbain pavillonnaire. Ces opérations sont inscrites en densification du tissu urbain existant, soit dans une « dent creuse », soit en rénovation urbaine. Chacune de ces opérations a fait l’objet d’entretiens avec les élus municipaux, les opérateurs (bailleurs, promoteurs ou aménageurs), les urbanistes impliqués dans le projet.

Conclusion : difficile amorce d’alternatives
Les conclusions de l’étude dressent un portrait à priori peu encourageant. En effet, ces projets en renouvellement dans les communes périurbaines, voire rurales, sont loin d’être issus d’une volonté idéologique de de préservation des ressources agricoles. Bien que de nombreux acteurs accompagnent les communes dans cette direction, les lois encore floues laissent chaque territoire libre de définir sa politique et ses objectifs de lutte contre l’étalement urbain. Sans contraintes d’agir et compte tenu des conditions quasi nulles de rentabilité, les acteurs de l’immobilier ne s’impliquent pas dans ce marché de la densification lorsque la concurrence des extensions urbaines s’exerce. Les seuls projets de densification qui voient le jour sont portés par des municipalités très investies. Enfin, la création de projets urbains sur le long terme et le financement de la densification par les extensions urbaines participent à la mise en œuvre de telles opérations.

Ouverture : penser et fabriquer l’ urbanisme hors métropole
Si l’étude ne démontre pas un tournant radical vers un urbanisme en rupture avec l’étalement urbain, elle montre un mouvement en marche, fait d’expérimentations et d’essaimages de nouvelles pratiques, inventant des modes de faire propres aux territoires périurbains moins attractifs. En effet, un urbanisme planifié voire parfois autoritaire de renouvellement urbain, comme il peut se faire en ville (centre attractif), semble impossible à l’échelle de petites communes où intérêts publics et privés sont liés. L’échelle symbolique de ces projets est ici importante car elle touche à l’espace des centres-bourgs et centres villes, qui portent une valeur de lieux communs et partagés. Il s’agit à présent d’expérimenter des projets urbains en concertation, des montages opérationnels nouveaux intégrant les habitants à la construction de leurs espaces de vie quotidiens (associations foncières, coopératives …). Les acteurs de la construction doivent s’adapter à ces changements. Car à l’avenir, si la volonté de protéger l’espace agricole comme patrimoine – richesse commune – à préserver s’affirme, ces projets sont les premières expérimentations d’un urbanisme «anéconomique» à inventer qui à terme deviendra incontournable.